Programmes de recherche
Les Maurice Audin par milliers
16/11/2022 - par Malika Rahal
Au début de l’année 1957, alors que le FLN prépare une grève de huit jour pour mobiliser le soutien populaire à la révolution, les autorités françaises donnent aux parachutistes du général Massu tous pouvoirs de répression sur la population d’Alger et de sa région. Rapidement, les enlèvements se multiplient dans tout le département d’Alger : les familles des enlevés ne sont pas informées du motif, du lieu de détention et du devenir de leurs proches. Ces disparitions forcées font des milliers de victimes. Certains sont connus (Larbi Tebessi, Ourida Meddad, Larbi Ben M’hidi, Ali Boumendjel, Maurice Audin) mais la plupart demeurent anonymes.
A partir de découverte d’archives nouvelles, le projet des Maurice Audin par Milliers lance un grand appel à témoin à toutes les familles dont un membre a été enlevé par l’armée française en 1957 et 1958 dans le département d’Alger de l’époque. Les noms de ces personnes sont ensuite inscrits sur le site <http://1000autres.org/>. Le contact avec les familles permet aussi de mettre en lumière les recherches qu’elles ont menées depuis 1957, de collecter leurs lettres et photographies pour les mettre en ligne et de leur communiquer les documents découverts dans les archives françaises. Les disparus cessent ainsi d’être anonymes: ils ont des noms, des visages et des histoires.
Le projet à pour but, par le travail de terrain dans les quartiers d’Alger, d’identifier le maximum de personnes enlevées. Il consiste à collecter les témoignages des proches des disparus, et les histoires transmises de cette disparition pour comprendre comment les familles en ont patiemment élaboré un récit. La documentation (collectée dans les archives en France et chez les familles) permet également de décrire les longues recherches que les proches ont entreprises jusqu’au présent. Enfin, ces données permettent un travail de cartographie de la répression, localisant notamment à partir du savoir des habitants de la ville, les lieux de détention — formels ou informels — dont beaucoup étaient aussi des centres de torture.
Les historiens Malika Rahal et Fabrice Riceputi, sont les historiens porteurs cette enquête. En 2022, ils font paraître Rahal Malika et Riceputi Fabrice, « La disparition forcée durant la Guerre d’Indépendance algérienne. Autour du projet Mille autres sur les disparus la «Bataille d’Alger» (1957) », Annales. Histoire, Sciences Sociales.
On peut également regarder leur récente présentation du projet et de l’appel à témoin à Alger, au forum du journal El Moudjahid (ci-dessous)
Les enlevés. Cartographie de la disparition forcée durant la “bataille d’Alger”