Retour Programmes de recherche

La personne et son dossier

29 novembre 2023

Présentation du programme

Le projet « La personne et son dossier », dirigé par Antoine Rivière et Malika Rahal, s’intéresse à l’histoire du dossier nominatif comme outil d’administration, de renseignement, de surveillance ou de contrôle, s’inscrivant ainsi dans une historiographie déjà conséquente, mais le cœur de son ambition consiste à interroger les usages et enjeux actuels des dossiers individuels. Il questionne ainsi les pratiques des chercheurs et des archivistes, mais aussi les rapports qu’entretiennent les personnes « mises en dossiers », leurs proches ou leurs descendants, avec cette archive singulière qu’est le dossier personnel ou nominatif. Autrement dit, il s’agit de faire du dossier individuel un objet d’histoire du temps présent.

Les historiens de l’époque contemporaine, et en particulier de l’espace européen ou nord-américain, sont familiers de ces fiches, registres, dossiers, qui entendent attribuer une identité de papier aux individus. Ils sont rejoints en cela par d’autres chercheurs en sciences sociales, sociologues ou anthropologues notamment. À partir de 2021, à l’IHTP, à l’initiative d’Antoine Rivière, une série d’ateliers internes a permis les échanges entre des chercheurs et chercheuses qui ont en commun de rencontrer, au cours de leurs enquêtes, cette source singulière que sont les dossiers nominatifs. Y ont participé Samuel Boussion, Jean-Christophe Coffin, Marion Cairault, Aurore Duvoisin, Mathias Gardet, Thomas Grillot, Camille Jaccard, Pauline Peretz, Amélie Rabine, Malika Rahal, Evelyne Sanchez, Bénédicte Héraud, bientôt rejoints par Marc André, Laura Orban et Marius Loris. Ces échanges et discussions ont fait mûrir l’idée et l’envie de faire de cet objet documentaire un objet de recherche : un objet d’histoire du temps présent.

Le projet « La personne et son dossier », dirigé par Antoine Rivière et Malika Rahal, s’intéresse à l’histoire du dossier nominatif comme outil d’administration, de renseignement, de surveillance ou de contrôle, s’inscrivant ainsi dans une historiographie déjà conséquente, mais le cœur de son ambition consiste à interroger les usages et enjeux actuels des dossiers individuels. Il questionne ainsi les pratiques des chercheurs et des archivistes, mais aussi les rapports qu’entretiennent les personnes « mises en dossiers », leurs proches ou leurs descendants, avec cette archive singulière qu’est le dossier personnel ou nominatif.

« Égo-chercheurs » ou « égo-consultants » sont en effet de plus en plus nombreux à fréquenter les centres d’archives publiques, dans le but de faire valoir un droit ou de reconstituer une histoire familiale. Pour eux, l’accès au dossier constitue souvent un enjeu important, aussi bien pratique et utilitaire que mémoriel ou identitaire, jusqu’à susciter, lorsqu’il est impossible ou refusé, des sentiments d’injustice ou d’infériorité, mais aussi des formes de mobilisation militante et politique. Quant aux récits qu’en tirent les « égo-historiens » amateurs, et que bon nombre d’entre eux publient désormais sur internet ou sous forme de livres, ils constituent une écriture de l’histoire fondée sur l’archive mais autonome par rapport à celle que proposent les historiens de métier, et invitent ces derniers à penser en retour leurs façons de faire de l’histoire.

Explorer ces dimensions multiples du rapport au dossier individuel est au cœur de l’enquête orale menée depuis 2022 par Antoine Rivière et Bénédicte Héraud auprès des usagers des Archives de Paris (archivistes, chercheurs de métier, égo-consultants). Enquête qui pourrait être prochainement prolongée aux Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine et aux Archives nationales d’outre-mer à Aix-en-Provence.

Dans le cadre du projet, ont été organisés une journée d’étude et deux colloques, en mai 2022, décembre 2022 et décembre 2023, associant chercheurs, archivistes et égo-consultants, et auxquels ont été invités à intervenir plusieurs membres du laboratoire. Au vu de la dimension sociale et citoyenne du sujet et de l’écho que les problématiques abordées rencontrent dans le débat public, en particulier à propos des droits de l’individu face aux institutions qui produisent et détiennent des données à caractère personnel, les avancées du projet sont également restituées sous des formes susceptibles de toucher un public non spécialiste.

Dans cette perspective, une série de films documentaires consacrés à différents types de dossiers individuels, à leurs usages actuels et aux enjeux de leur accessibilité, est réalisée par Antoine Rivière et le documentariste Arnaud Miceli. Le premier épisode, Dossier matricule n°8072 Assistance publique, porte sur les dossiers des enfants abandonnés et pris en charge par les services de protection de l’enfance dans la France des XIXe et XXe siècles.